Screamin' Jay Hawkins vous fera passer le
cap de minuit
Creedence Clearwater Revival, John Mayall, Manfred Mann ou Nick Cave pour ne citer que ceux là ont repris son plus grand succès "I Put a spell on you".
Alan Price, Alice
Cooper ou David Bowie se sont inspirés de ses délires scéniques
entre messe vaudou avec accessoires comme "Henry" son totem et spectacle
comique.
Érotisme et scatologie ne lui ont jamais fait peur et l'ont à
ses débuts fait censurer.
Cet être impressionnant à plus d'un titre sera sur la scène
du festival vendredi soir.
Il a pour nom Screamin' Jay Hawkins.
Ce n'est pas sa première prestation remarquée dans la région,
il a déjà sévit lors du dernier Swingin' Deauville terrassant
un public peu habitué à ce genre de traitement.......
Un avertissement aux plus doués pour la langue américaine car
ils sont les plus exposés ! Les paroles de S.J.H. écorchent les
oreilles sensibles.
Le personnage pourtant ne s'arrête pas s cet aspect provocateur et infernal.
C'est un très grand du blues ou plutôt du rhythm'n blues exacerbé
dont il est le géniteur.
Rock, Blues, Jazz
ont été comme absorbés par ce pianiste à la voix
puissante ou ce chanteur aux doigts virtuose.
Dans le band de Screamin' Jay Hawkins notons les français Frank Ash à la guitare et Didier Marty au sax
A 65 ans il n'a
rien perdu de ses talents de showman et à le voir on comprendra pourquoi
plusieurs générations de musiciens noirs en ont été
influencés sans parler des pointures du rock et du Hard Rock.
Vendredi 29 il vous jettera un sort et vous ne pourrez plus le quitter.
LA PRESSE
Et Screamin' Jay Hawkins est arrivé : costume très seyant style Henry III avec fraise et talons hauts, sac d'accessoires, gris-gris divers et la tête d'Henry à qui il permet d'en griller une à la fin du show.
A travers ses hurlements, grognements et éructations diverses, la voix est toujours là, puissante, captivante, modulable à volonté.
Avec le soutien de Franck "Left Hand" Ash et d'un petit souffleur apoplectique (Didier Marty ???) mais au growl efficace, ca pulse sans problème.
Jean Pierre POILLY (SOULBAG)
BIOGRAPHIE
L'homme et la légende
naquirent respectivement le même jour, le 18 juillet 1929 à Cleveland
(Ohio), sous le doux patronyme de Jalacy J. Hawkins. "Je suis venu au monde
noir, nu et laid, commente-t-il. et qu'importe le temps qu'il me faudra passer
ici-bas... c'est un court voyage ! Je quitterai ce monde, noir, nu et laid.
Sachant cela, voilà pourquoi j'apprécie la vie. Et j'aime voir
autour de moi des gens heureux... Depuis que je suis dans ce métier,
j'aime que, grâce à moi, les gens oublient leurs problèmes.
J'aime les faire rire !".
Belle mais pourtant difficile entrée en matière : à 18
mois, abandonné par sa mère, il est adopté et élevé
par une famille d'Indiens "Blackfoot". Dès l'âge de trois
ans, le petit JAY se met à jouer du piano. "La musique a été
partie intégrante de ma vie aussi loin que ma mémoire puisse remonter",
dit-il. Mais très vite, notre rejeton fait preuve d'un sens de l'improvisation
et d'un anticonformisme plutôt personnel et gaillard. Contredisant sans
cesse son professeur de piano, détournant à l'envie les théories
et conventions harmoniques du solfège, JAY développe et épure
peu à peu son propre style : "...Ainsi, dit-il, je pus apparaître
avec mon talent unique".
En 1945, JAY s'engage dans l'armée. 13 missions de combat dans le Pacifique, et notre homme sérieusement blessé doit être rapatrié. Entre-temps, JAY a appris le saxo ténor et... la boxe ! Toujours à l'ombre des drapeaux, c'est dans cette seconde discipline qu'il va brillamment s'illustrer ! En 1947, il gagne la plus grande épreuve amateur américaine : The Cleveland Amateur Golden Gloves Diamond Contest. En 1949, il remporte le titre de Champion des poids moyens d'Alaska, couchant en 15 rounds le pourtant très coriace Billy Mc Cann.
En 1952, JAY quitte définitivement l'armée. Mais dans l'intervalle, il n'a cessé de peaufiner sa musique, se produisant çà et là, de garnisons en fêtes improvisées. Dans le cadre du Théâtre aux Armées ou ailleurs, on le vit (selon ses dires) jouer avec Arnett Cobb, Gene Ammons, James Moody, Lynn Hope ou Lionel Hampton. "Je ne savais pas véritablement chanter jusqu'au jour où je me suis produit dans une ville qui s'appelle Nitro, en Virginie. Il y avait là cette femme énorme, très grosse, imposante... Genre gloutonne, bestiale, obèse. Cette femme aurait fait passer un pauvre éléphant pour une mine de crayon tellement elle était grosse. Et elle était heureuse ! Elle engloutissait du scotch Black and White et du Jack Daniel en même temps... et elle me regardait sans cesse. Elle criait : «Scream baby ! Scream, JAY !». A cet instant je me suis dit : «Tu cherchais un nom de scène.... et bien le voici !»". C'est donc de l'enthousiasme quelque peu éméché d'une encombrante admiratrice que naît le tonitruant sobriquet de SCREAMIN' JAY HAWKINS. Mais c'est avec Tiny Grimes (et ses sémillants Highlanders vêtus de leurs kilts écossais) que JAY fera ses véritables débuts discographiques. Cette même année, notre tout jeune civil entre en studio pour enregistrer un premier 45 tours intitulé : "Why Do You Waste My Time / Carnation Boogie". Inéluctablement, l'homme se rapproche de sa légende...
De labels en singles ("J'ai changé de maisons de disques comme vous changez de chaussures".), l'histoire nous conduit à New York, au cœur feutré d'un studio, en ce jour mémorable du 12 septembre 1956. JAY enregistre pour la seconde fois une ballade de son cru intitulée "I Put A Spell On You". Arnold Maxin (A&R de Columbia) cherche à motiver les musiciens présents. "Ne considérez pas cette réunion comme une séance d'enregistrement, mais plutôt comme un picnic !" lance-t-il à la ronde... "Amusez-vous !". Les rafraîchissements coulent à flots. "Nous étions ivres morts, se souvient JAY. Il y avait là toutes sortes d'alcools : vin, scotch, bourbon, vodka, gin et rhum". Le reste de cette mémorable séance s'estompe lentement dans d'amnésiques et délétères vapeurs de bacchanales. Quelques jours plus tard, lorsque JAY écoute le résultat couché sur la bande, il est perplexe ! Il refuse d'abord de croire que c'est lui qui chante. "Je ne savais pas que je pouvais hurler, grogner ou gémir de la sorte...", confie-t-il. Le disque est commercialisé et, le temps d'un microsillon, SCREAMIN' JAY HAWKINS devient, pour l'Amérique puritaine d'alors, l'Ennemi National numéro 1... Mais en parallèle, la jeunesse ne s'y trompe pas. Elle reconnaît dans ses grognements cannibales et paroxystiques les francs symptômes d'une sédition de bon aloi. Le disque se vend à plus d'un million d'exemplaires. Et "I Put A Spell On You" s'inscrit sans hésiter au rayon des standards et autres hymnes incontournables du rock and roll.
Nouvelles provocations. Ainsi,
Constipation Blues, qui narre ses déboires intestinaux:
«J'étais
constipé depuis quatre jours. J'avais le ventre gonflé comme un
chien crevé. Je hurlais de douleur. J'en ai fait une chanson qui m'a
rapporté beaucoup d'argent.»
A l'entrée du salon, avant les peaux de serpents,
un WC est d'ailleurs exposé.
La suite est contenue dans cette tempétueuse et flamboyante carrière que nous lui connaissons. Depuis lors, JAY n'a cessé de brandir haut et sans faiblir la bannière d'un "rock'n'horror" musclé, irrévérencieux et définitivement revigorant. Superbement conseillé par Alan Freed, notre histrion se mit à redoubler de provocations, d'outrages et de pitreries "gore". On le vit entrer sur scène, jaillissant d'un cercueil.... ou brandir, en gesticulant de façon forcenée, une canne surmontée d'un crâne baptisé "Henry" et dont les yeux clignotaient. Il inclut à son répertoire quelques merveilles de démence maîtrisée telles que "Constipation Blues", "Alligator Wine", "Frenzy" ou "Feast Of The Mau Mau". "I Put A Spell" fit le tour de la planète et a été repris plus de 38 fois par Nina Simone, Arthur Brown, The Animals, Creedence Clearwater Revival, Manfred Man, The Who, Alan Price David Bowie... ou plus récemment par Marilyn Mansion sur la B.O de "Lost Highway". Le "rock'n'roll clown" a rejoint sa légende, traversant de son indomptable présence les salles de concert du monde entier et les écrans de cinéma (ses performances filmées dans "Mr Rock & Roll", "The Girl Can't Help It", "Dark Decision", "American Hot Wax" ou "Mystery Train" restent des modèles du genre !).
Et le plus sereinement du monde, l'homme et la légende se sont retrouvés en juillet 1997 à Memphis pour l'enregistrement d'un tout nouvel album. Produit par le talentueux JIM DICKINSON (très remarqué - entre autres - sur le dernier BOB DYLAN, "Time Out Of Mind"), SCREAMIN' JAY HAWKINS a investi l'ombre du "Sam Phillips Recording Service" pour enregistrer 13 titres dont l'exclusivité vous est proposée dans ce "AT LAST". Superbement secondé par le légendaire tandem rythmique "Muscle Shoals" (Roger Hawkins et David Hood), soutenu par l'impeccable concision des guitares de Frank Ash, l'homme de tous les frissons a gravé son retour de quelques cantilènes incendiaires. "Coulda', Woulda', Shoulda'" et "I Played The Fool" prouvent son indescriptible maîtrise, son art unique de décliner ces contusions de l'âme qui font les vrais chefs-d'œuvre. "Sur la plupart de mes disques, dit-il, il y a toujours des ballades. Mais généralement les gens ne veulent pas les écouter. Il suffit de prononcer le nom de Screamin' Jay Hawkins et aussitôt ils veulent la folie, l'homme-vaudou, le docteur en sorcelleries...".
Cette folie, intacte et justifiée,
se retrouve dans les irrésistibles "Listen" ou "Shut Your
Mouth When You Sneeze". Instants de bravoure - s'il en fut -, régals
de l'inconditionnel, où un JAY prompt aux pitreries et toujours ardent,
flamboie de mille voix, ressuscitant sur l'heure ces sauvages accents de déraison
qui firent sa gloire. Un "Make Me Happy" étourdissant, rebondissant
de chamarrures gospel... et un "I'll Be There" aux dominantes hawaiiennes
parachèvent cet exaltant tour de force. En guise d'épilogue, une
tonitruante et fougueuse version de "I Shot The Sheriff" dépoussière
- d'une connivence canaille - l'essence reggae d'un Bob Marley légendaire.
Au sortir de l'album, estourbis et le souffle court, nous retiendrons l'éruptive
voix du maître, caverneuse et tumultueuse à souhait. Nous retiendrons
cet exceptionnel jeu de piano qui est le sien et qui surprit tant JIM DICKINSON
: "C'est fascinant de le regarder jouer, confie-il. C'est l'ancienne technique
de l'accord à deux mains. Il dit qu'il a tout appris de Nat King Cole
et de Charles Brown... Et il joue comme s'il était piégé
entre les deux !".
Comme vous pouvez le constater, l'homme et la légende se portent donc bien. Après de ponctuelles errances autour du monde (Etats-Unis, Alaska, Philippines...), SCREAMIN' JAY HAWKINS vit aujourd'hui en France... et rivalise de projets : "Je ne veux pas être la version noire de Vincent Price, lance-t-il à qui veut l'entendre. A présent, je veux me lancer dans un satané truc d'opéra, je veux chanter "Figaro", je veux interpréter l'"Avé Maria" !". Du fond de leurs alcôves, les fantômes de l'Opéra n'ont qu'à bien se tenir !
Levallois où il vit depuis janvier 1993 n'a donc pas affadi ses humeurs. Pets et borborygmes ponctuent son dernier disque. Il y ronfle comme une truie hystérique et caquette comme une poule frappée de delirium. Grand cri dans la rue: il vient d'interpeller sa dentiste, qui passe sur le trottoir d'en face. Dans l'ascenseur, il vocalise à tue-tête. Et les voisins? «Oh! je ne les fais pas payer.» Quelque quinze ans passés en France et une épouse rencontrée à Levallois, de quarante ans sa cadette, ont fini par enrichir son français d'une douzaine de mots, prononcés comme s'il avait du piment dans la bouche. Il sait dire «baguette, champagne, bisou, comme ci, comme ça, c'est la vie». «Il m'a fallu six mois pour apprendre à dire "meurci bocououp"», rigole-t-il.
J'avoue que
ce soir, je n'ai plus du tout envie de rire. Cet homme que l'on disait terrible,
dont on racontait qu'il avait un caractère épouvantable, nous
était apparu comme un personnage charmant, jovial, enjoué, beaucoup
plus jeune que son âge.
Jalacy Hawkins a eu 70 ans le 18 juillet dernier.
Après une vie de galères qui lui avait apporté son lot
de malheurs, le succès de son "I Put A Spell On You", ses multiples reprises et diffusions
à la radio, au cinéma, dans la publicité, lui rapportaient
assez de royalties pour vivre décemment. Jay Hawkins était enfin
heureux.
J'ai peine
à croire que ce grand gaillard, en son temps champion de boxe dans l'armée
américaine, débordant d'énergie, fut vaincu par de stupides
selles récalcitrantes refusant de quitter son système digestif.
C'est une des plus grandes voix du blues qui vient de s'éteindre. Il
n'aura jamais réalisé son rêve, enregistrer un album d'opéra.
En guise de consolation, le plus bel hommage que pourrait lui rendre Last Call,
son dernier label, serait de remixer le concert de l'Olympia, correctement cette
fois-ci, de lui faire une belle pochette (l'originale est hideuse) et de remettre
sur le marché un testament musical digne de ce grand artiste.
Nous
étions à l'Olympia ce soir-là, et nous pouvons vous dire
que le show fut excellent et le groupe, mené par Frank Ash, tout à
fait à la hauteur.
En attendant, Henry (son crane ) doit être bien triste, plus personne ne lui allumera jamais sa cigarette. Adieu Mister Hawkins
Source www.bluesmagazine.net
www.liberation.com
www.lastcallrecords.com